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Aymeric Rouillac
Aymeric Rouillac
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23 février 2003

LE CHEMIN DE DAMAS

Au premier siècle de notre ère, le chemin de Damas a conduit de l’Orient à l’Occident. C’est sur la même route, en sens inverse, que je contemple vingt siècles plus tard l’Occident guerroyer en Orient. Lorsque Saül, le persécuteur des chrétiens, devient St Paul, le « treizième apôtre »,  l’histoire de l’humanité bascule pan après pan. Le théoricien du christianisme, converti sur la route de Damas, donne alors les fondements et l’essor à la religion qui marquera deux millénaires. C’est depuis la Syrie que l’observateur suivra cette guerre américaine qui s’annonce en Irak. La capitale du futur « dernier Etat baasiste au monde » est en effet le point d’ancrage des crispations de la région. Un dicton arabe assure que si on ne mène pas de guerre sans l’Egypte, on ne conclut pas de paix sans la Syrie. L’histoire contemporaine du Moyen–Orient confirme que la  Syrie est incontournable pour la paix. L’histoire proche nous dira si l’on peut se passer d’elle à la guerre. Aux aguets à Damas, à l’affût d’une guerre, scrutons la paix, et les arrières cours damascènes.

Le muezzin appelle à la prière en cette fin d’après midi, et un marchand ambulant vend des balais dans la rue, en bas. Il passe dans l'indifférence de l'impasse vide. Me voici enfin installé à Bab Touma, le quartier chrétien de la vieille ville. Je suis heureux comme un prince, libre comme un étudiant, motivé comme jamais par un stage qui s'annonce passionnant. Cinq mois au service de presse de l’ambassade de France à Damas, alors que l’Amérique s’apprête à envahir l’Irak, est un scénario prometteur. Sentiment étrange, aussi, de me dire que cette ville que j'ai aimée de passage il y a deux ans[1], est maintenant mienne. Ses habitants sont mes frères, ses cafés miens, ses hammam ma salle de bains. Je me suis longuement perdu dans les dédales de mon coeur, ceux de cette cité m'ouvrent des espaces nouveaux. Interdits ? Première impression : il pleut et il fait froid. L'hiver sera long. En conséquence chaque pièce est agrémentée d'un vieux poêle à pétrole, dont on règle l'intensité en contrôlant le débit du liquide à brûler. Mes premiers achats furent d’ailleurs un manteau de laine et un parapluie.

La ville est dépeuplée de touristes, elle s’offre à moi en exclusivité. Le musée national résonne des pas du promeneur solitaire à travers d’immenses salles d’exposition. Au titre des grands moments de bonheur, il y a un hypogée Palmyrénien du deuxième siècle et la grande mosquée des Omeyyades, quatrième lieu saint de l’Islam. Les rues sont un festival de vieilles carcasses et de Mercedes dernier cri. Avec une nette préférence pour les guimbardes déglinguées. En ce moment ont lieu les élections législatives, et de bruyants meetings sont organisés chaque soir au coin des rues.

A ceux qui ne connaissent pas Damas, la vieille ville est un concentré de ce que vous avez pu voir dans les rues sinueuses de  Barcelone, dans les souks de l’Orient, ou même à Naples. Ajoutez à cela l'ambiance d'une ville arabe, et comme à Sarajevo, n'oubliez pas la dimension pluriconfessionnelle. L’Islam et ses sectes dérivées côtoient les dizaines de rites chrétiens orientaux. C'est un véritable ravissement pour les yeux, pour les pieds qui errent longtemps avant de trouver leur chemin, pour le corps massé au hammam, le palais rassasié de chawarma subtils, et pour l'âme, de toutes ces rencontres impromptues et vraies.

[1] Voir Syrie, le revers de la pièce. 11/2000, réflexions après un séjour de trois semaines en Syrie. p72.


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Aymeric Rouillac
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