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Aymeric Rouillac
Aymeric Rouillac
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31 mai 2003

L'ADMINISTRATION

Pour illustrer le besoin de réforme syrien, continuons pas une visite de l’administration. A ceux qui se demandent comment peut fonctionner un état arabe, pétri pendant 20 ans de réflexes soviétiques, chargé d’un lointain passé ottoman, obnubilé par le contrôle de la société, une visite au bureau pour la prolongation des visas est éclairante. Objectif de l’étranger : obtenir une permission de séjour banale sans y passer plusieurs jours. Objectif des militaires moukhabarat qui l’octroient : tout savoir de vous, sans heurter la susceptibilité de la multitude de chefs et sous-chefs qui dirigent cette section pour étrangers.

Présentez-vous au bureau de Baramkeh dans la matinée. C’est dans le centre de Damas mais n’oubliez pas d’avoir poireauté dans d’autres bureaux de la ville, qui vous avaient renvoyé l’un à l’autre. Remplissez les formulaires que vous avez achetés avec un timbre fiscal dans une librairie privée, dans la rue en bas, et attendez. Le planton derrière le guichet se fait un plaisir de traiter en priorité les amis et connaissances de passage. Un peu irrité apostrophez le sous-chef, toujours souriant. Pas de soucis. Il vous renvoit au planton derrière le bureau, qui finit par vous conseiller de vous adresser à un autre guichet. Frappez donc à la porte d’à côté. On vous demande de remplir d’autres formulaires. Les premiers n’étaient pas bons. Laissez au passage un demi euro aux moustaches débordées. Faites viser ces nouveaux papiers par le planton. Il tire la langue en inscrivant consciencieusement quelques lignes d’arabe, sans que vous n’en compreniez le sens. Montez ensuite à l’étage du dessus, dans un grand bureau, où un superchef affable signe ces papiers. Une file indienne de quémandeurs respectueux attend que le moallem, maître,finisse de passer ses coups de fil, avant de disparaître promptement. Retournez voir le sous-chef en bas qui dit « ça va », et repassez faire coucou au planton. Il vous renvoie à un autre chef, qui signe d’un coup de tampon les précieux papiers. Repassez enfin vous signaler aux moustaches à qui vous aviez remis le demi euro. Leur sourire. Elles vous demandent de laisser formulaire et passeport, et de revenir dans deux heures. Leur faire un grand sourire. Demander au planton « Une heure ou deux heures ? » Il y a de fortes chances qu’amusé, il vous réponde « Une heure » Lui faire un sourire encore plus grand en lui disant « Mon amour, tu es un chef » Se retirer lentement, et avant d’avoir passé la porte de sortie s’entendre appelé par la queue qui s’était formée derrière vous. Les moustaches signent le passeport dans l’instant. La vie est belle. Vous pouvez vous en aller, après une petite heure de speed. Relax.

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Aymeric Rouillac
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