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Aymeric Rouillac
Aymeric Rouillac
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4 mars 2003

BAB TOUMA

Bab Touma est le quartier chrétien de la ville, Abou Nadim me loge chez lui. Dans la culture arabe le père prend le nom de son fils. Cette maison est donc celle du père de Nadim, qui s’appelle en réalité Samir. Il est marié à Georgette, ils ont des jumeaux d’une vingtaine d’années, Nadim et Georges qui font leur service militaire. Georges chez les moukhabarat de la garde présidentielle et Nadim dans la police anti-émeute ! Plutôt bien encadré non ? Je les vois peu. Georgette ne quitte pas cette maison perdue sur un coin de muraille. Elle accueille ceux qui arrivent et ceux qui partent. Les cheveux bouclés, châtains, de grands yeux, le physique d’une mère de famille épanouie. La gentillesse incarnée. Toujours à me sourire en me demandant comment ça va, et nous nous marrons pour un rien. Je me marre ici souvent pour trois fois rien, faute de comprendre grand chose à l’arabe. Samir est un petit gros, en jogging, grosses lunettes, grand sourire, prend des airs sérieux quand nous regardons la télé ou discutons dans le peu d’anglais qu’il s’efforce de maîtriser. Il bosse comme mécano, avec le grade de capitaine, dans l’armée de l’air. Le reste du temps il bricole des bijoux en fer blanc dans un réduit sous ma chambre. Le dernier des garçons s’appelle Johnny. Il va encore à l’école le matin, il a 13 ou 14 ans. C’est le petit dernier, choyé chéri, et lui aussi balafré par un grand sourire jusqu’aux oreilles. Joufflu. J’ai  pas mal de chance d’être chez eux car ils ne sont pas comme tous ceux pour qui chambre louée à un étranger rime avec monnaie. Ils sont adorables, simples et attentionnés. Le côté pénible reste la mentalité arabe chrétienne traditionnelle. Ainsi Georgette a décidé de faire un blocus sur tous les appels féminins qui ne sont ni ceux de Cécile, ma copine, ni ceux de maman. Difficile de savoir si une amie m’a appelé ou est passée à la maison. Samir quant à lui a piqué une colère lorsque je suis revenu avec un copain musulman. « Il n’y a que des chrétiens à Bab Tuma. Les musulmans sont tous des sauvages sans culture. Je n’en veux pas chez moi. » Les chrétiens ne sont pas plus ouverts que les musulmans. Je serais même tenté de dire l’inverse.

La maison est de type syrien, c’est-à-dire fermée autour d’une cour intérieure sur la quelle ouvre chaque pièce. La famille vit au rez-de-chaussée et les occidentaux à l’étage. Les chambres sont spacieuses et hautes de plafond. L’année de construction de la maison est inconnue, mais elle fait rêver. Le quartier paraîtra sale à celui qui débarque de France. En réalité toute la Syrie est ainsi. Les maisons s’écroulent et on jette les ordures dans la rue. Néo-romantisme galvaudé ? Peut-être. Bourré de charme, assurément. Il y a des occidentaux partout. Ce qui est l’occasion de nombreuses fêtes ou rencontres en petit vase clos. Quoi de plus sympathique que de parler arabe avec une jolie Tchèque autour d’un verre de whisky sur un rempart de Damas ? J’évite sans le vouloir la plupart de ces fêtes, trop absorbé par mes potes syriens qui vivent dans d’autres quartiers. Les rues ressemblent à ce que devait être la France au moyen âge, avec l’odeur de l’encens brûlant au pied des statues de la Vierge au coin d’un monastère, et celle de la viande fraîchement découpée devant l’étal du boucher. Le minaret d’à côté est une catastrophe. Le type qui chante braille comme un cochon qu’on égorge. Une véritable calamité.

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Aymeric Rouillac
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