Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Aymeric Rouillac
Aymeric Rouillac
Archives
6 février 2001

33ème jour, JAIPUR, soirée orientale

Wahoo. Lever 11 h, tranquille peinard, puis visite de l'observatoire astrologique. Un maharadjah particulièrement éclairé a fait construire au XVIIIème un observatoire ultra moderne, synthèse des recherches arabes et européennes sur la question. Pendant ce temps là en France, le régent finançait la guerre de trente ans... L'observatoire jouxte le city palace, ses instruments de quelques dizaines de mètres de hauteur restent un brin futuristes, mais sont régulièrement entretenus, en état de fonctionner, d'après les guides.

Le wind palace est juste à côté. Il a été construit pour permettre aux femmes de la cour d'observer discrètement la vie du peuple, derrière leurs persiennes en pierres de sable. Le palais doit son nom aux multiples ouvertures où le vent vient s'engouffrer. Une multitude de pièces permettent de tenir salon, d'observer sans être vu, complots bien féminins. De nombreuses universités emmènent leurs étudiants en voyage d'étude à travers l'Inde. Je crois que ce sont mes interlocuteurs favoris dans ces visites de monuments. Cette fois-ci ils sont de Bombay, et toujours curieux de partager nos vies d'un continent à l'autre. Sans arrière pensée. Puis photo souvenir à la fin.

En traversant le marché aux légumes je suis alpagué par deux jeunes en moto "where are you from ?" je descends du vélo et m'énerve pour de bon. "C'est quoi vos pratiques de sauvages, agresser les gens dans la rue sous prétexte qu'ils sont western sans même leur dire bonjour ?" Avec les indiens il faut être fort en gueule, après ça passe comme une lettre à la poste. Tout confus les motards m'invitent à prendre le thé. "Bon, ça ira pour cette fois…"

Visite ensuite du musée gouvernemental. Comme beaucoup de musées, il est surtout destiné aux indiens, pour les éduquer, leur montrer le monde extérieur et aussi les différentes facettes de la vie en Inde. Quelques miniatures anciennes, mais surtout des personnages en terre cuite qui représentent la vie quotidienne, et aussi des plans en coupes du cerveau, du cheval et des organes sexuels. Comme pour les vitraux des cathédrales, expliquer des choses compliquées sans se prendre la tête.

Douche rapide ensuite, et puis je suis pris à 17 heures dans les embouteillages de Jaipur. Ca paraît pas comme ça, mais un embouteillage de vaches, piétons, cyclistes en grand nombre, rickshaw, chevaux, charrettes et chameaux ça en jette ! Je râle à chaque vache qui bouche le passage, ou chaque type qui n'arrive pas à se décider. J'ai pas de sonnette et c'est pas la peine charrier quand même... Les indiens sont plus ou moins paisibles, la police a abandonné. La place et la grande rue centrale connaissent pour seule loi celle du plus fort, ou du moins aimable. Je ne m'en sors pas trop mal, pas trop fier non plus de mes gènes 75.

J'arrive enfin chez Aziz avec une petite heure de retard et un kilo de pâtisseries pour faire pardonner, pas de problème. C'est le moment de la préparation du repas. Il y a cinq frères dans la famille et c'est le plus âgé qui cuisine depuis le début de matinée. Au menu menu nous aurons du riz sucré avec des boulettes de mouton et des nans (galettes de pain). On me fait goûter tous les plats, un délice ; et puis aussi la moelle des os, c'est bon pour le cœur... La cuisine se  prépare dans la cour intérieure de la maison, et les enfants qui jouent autour. Les musulmans sont toujours adorables avec les enfants, ils sont choyés et font l'objet d'une affection constante.

Le dîner est l'occasion de célébrer quatre prochains mariages dans la communauté musulmane. C'est un dîner important pour la famille, car la "colonie" accueille ses principaux partenaires commerciaux. Les femmes arrivent les premières, avec leurs enfants. Elles sont drapées de noir, leurs yeux eux aussi masqués par un voile. Les corbeaux saoudiens. En passant le seuil de la maison une métamorphose s'accomplit. Comme la chenille quitte son cocon pour devenir papillon, les femmes se dévêtent et laissent apparaître des habits de lumière. Etincelantes d'or, d'argent, de bijoux et de pierres splendides, elles passent dans le froufrou de leurs cham-cham (bracelets clochettes en argent qu'on attache au pied), chamarrées dans des robes roses, rouges, jaunes éclatantes. Les plus jolies filles que je n'ai jamais vues. Une mannequin aseptisé n'est rien à côté. Elles sont entre amies, rejoignent la pièce réservée aux femmes, et j'entends leurs rires de l'autre côté de la cour. Raide dingue.

Pendant ce temps nous sommes assis entre hommes, les futurs époux et les autres. Pour un peu je me convertirai bien à la religion du prophète. Le riz est servi d'abord, puis le mouton et enfin les nans qui viennent pour achever le tout. La famille ne dîne pas avec nous. Aziz n'a même pas eu le temps de se raser. Ils sont là pour veiller à ce que tout se passe bien, que chacun ait ce qu'il désire. Tout le monde s'inquiète de ce que je ne mange pas à toute vitesse. Pas de problème, je "déguste".

Après le repas chaque groupe discute un moment, puis tout le monde s'en va. Réussite totale me dit Aziz. Je n'en demandais pas tant. A l'étage tous les jeunes cousins sont assis dans une chambre avec leur répétiteurs. Je passe un moment pour discuter en anglais, et prononcer quelques mots de français. Je m'assieds ensuite avec Aziz pour son dîner, jouant avec son fils Adil ; un bout de chou de 9 mois, avec des oreilles pointues, des grands yeux noirs et une bouche en cœur, un amour de bébé. Chai ensuite au café d’à coté, Aziz me propose de venir demain chez lui, et l'aider à attraper quelques touristes. Motion retenue avec plaisir.

En rentrant à l'hôtel je croise deux charmantes israéliennes. Je me résous à discuter avec elles, puis avec leurs amis à la pension Evergreen. Les israéliens sont des gens adorables tant qu'on ne parle pas de politique. Ce soir c'est le résultat des élections. Sharon grand vainqueur. Autour de la table, quatre auraient voté Sharon et une Barak. Sharon m'explique-t-on saura plus que Barak réagir en politique qu'en militaire, et apporter la paix. J'y crois plus que moyen, et puisque pour moi Israël c'est out noir je décide de bien me tenir et de porter la discussion sur un autre sujet, question de ne pas détériorer trop rapidement nos relations. Ils me donnent alors un excellent conseil, répondre "I come from Israël" à chaque fois que je veux acheter quelque chose ou prendre un rickshaw. De nombreux israéliens voyagent en effet en Inde pour de longs mois après leur service militaire. Deux ans pour les filles et trois pour les garçons. Les indiens savent depuis longtemps qu'en Israël comme en Inde on bargain hard, et ne se cassent plus la tête à fixer des prix trop élevés. Merci les feujs, je retiens le conseil et l'appliquerai dès demain.

Publicité
Commentaires
Aymeric Rouillac
Publicité
Publicité