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Aymeric Rouillac
Aymeric Rouillac
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17 décembre 2000

NOS AMIS LES MOMO, LA POLICE SECRETE AUX TROUSSES DE WANAUME

X. en Syrie fut le premier à les évoquer, Y. à nous les épeler, c’est Z. qui nous en présenta un à Damas… mais c’est à Amman, que nous apprenons à découvrir nos amis les mourabarat. Véritable institution au Proche Orient, ces policiers sont les yeux et les oreilles du régime : Big Brother is watching you. Au fil des kilomètres nous découvrons petit à petit les charmes de cette police très secrète, aussi appelée deuxième bureau ou encore mourabarat. Alias nos amis les momo.

En Syrie, les gens nous prenaient pour des mourabarat, car nous nous déplaçons en Land Rover : la voiture fétiche des flics syriens. Jamais un simple policier n’a osé siffler les Kee’s dans une voie à contre sens, il arrêtait au contraire la circulation pour nous laisser passer ! Plutôt pratique. Nous savions que les momo existaient, qu’ils contrôlaient sans doute nos passages aux frontières, et peut être plus. Ca n’allait pas plus loin. Nous en riions.

Aujourd’hui les choses ont changé. Depuis notre aventure photographique à l’ambassade d’Arabie Saoudite, l’impression d’être épié est parfois angoissante, limite parano. On ne voit pas les mourabarat, ce sont des hommes très discrets. Tapis dans l’ombre, ils en surgissent à la moindre anomalie, et se retirent dès qu’ils se sentent grillés. Notre première alerte nous a conduit au poste de la police centrale, chargée des vérifications d’identités. Un momo a effectivement aperçut Tom photographier une « security place ». No comment.
La deuxième alerte est exemplaire. Nous nous garons en plein centre historique d’Amman pour trouver un web café. Un type, dans la foule des curieux habituels qui s’agglutinent autour des voitures, retient notre attention. A Tom comme à moi il pose tout un tas de questions précises, sans pour autant susciter nos soupçons. En peu de temps il identifie Seb comme notre chef, il connaît tout de notre périple jordanien, lieux visités, date d’entrée… Il nous amadoue en nous proposant de nous loger chez lui. Puis, lorsqu’il apprend que nous sommes déjà fichés par la police il se rétracte. « Vous êtes certainement surveillés par les mourabarat… Vous savez c’est petit chez moi, je ne peux pas vous accueillir mais je vais vous indiquer un hôtel pas cher. » C’était une de ces taupes planquée dans la population, qui observe et note tout ce qui se passe d’anormal. Il a compris que nous étions déjà pris en main. Pas la peine de percer notre « secret ».

Nous sommes en effet ultra suspects, et à plus d’un titre. Notre voyage c’est la couverture idéale pour petit espion. Nous nous baladons dans des énormes bagnoles. Nous sommes dotés du matériel photo et vidéo, numérique, le plus perfectionné. Nous branchons notre valise satellite à heures fixes. Nous passons un temps fou devant des postes internet, ou devant nos propres ordinateurs portables. La cerise sur le gâteau : en Jordanie, nous nous trimballons d’hôtels de luxe en palaces cinq étoiles sans jamais payer ; ou dormons dans la voiture. Ajoutons à cela nos fréquents passages à l’ambassade de France avant la visite éclaire d’Hubert Védrine au Proche Orient… Y’a de quoi rendre un mourabarat fou !

Nous retrouvons donc le même lieutenant moustachu d’un bout à l’autre d’Amman, comme par hasard… Le cheveu laissé par Seb sur la porte de nos chambres d’hôtel, comme repère ( on sait, il regarde trop de film de série B ), disparaît au retour d’une excursion. Une voiture vient ensuite se perdre derrière nous en pleine campagne, dans un cul de sac, à minuit et demi. Nous recevons par ailleurs des publicités étonnantes, vantant des hôtels jordaniens, dans notre boite mail… Tout un tas de petits signes anodins qui revêtent une importance de plus en plus importante. Nous sommes suivis à la trace.

Messieurs les mourabarat, puisque vous lirez ce texte, sachez que nous ne vous voulons aucun mal. Nous sommes des amis de la Jordanie, comme des pays arabes. Votre jeu de piste nous épuise. Prenons plutôt un thé au coucher du soleil, nous aurons tous le loisir de répondre à vos interrogations. A très bientôt. Inch Allah.

Aymeric

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